Voici un petit texte écrit pour un concours d'écriture du site Idée du désir. Rien de fameux, mais c'est gentillet et se lit vite.
Sylvie
m'a relancée, je n'ai trouvé aucune excuse valable pour éviter de
m'y rendre, si bien que j'ai dit « oui »… À
présent, je m'en mords les doigts.
En
quelques mots, voici le bilan de ce cette lamentable expérience :
Axel porte une moustache qu'il triture à la façon d'Hercule Poirot
– manie qui m'a rapidement insupporté -, Ryan a péroré
sur son loisir préféré, la pêche (quelle horreur !) et
François s'est enfoncé dans le mutisme.
Assister
à un speed dating spécial Saint-Valentin, ça non, jamais on
ne m'y reprendra ! Même si Sylvie se met à genoux devant moi,
je ne l'accompagnerai plus à ses soirées pour célibataires. Après
tout, je me suffis à moi-même, je me passe d'une « âme
sœur ».
Éventuellement,
je pourrais avoir besoin d'un mâle, à l'occasion, dans mon lit…
Je ne suis pas contre quelques câlins, à condition qu'il ne faille
pas fournir trop d'efforts pour trouver un partenaire de jeu. Si
seulement j'avais l'espoir de choper un homme acceptable avant la fin
de la soirée ! Mais j'ai l'impression que c'est Sylvie qui a
tiré le gros lot. Elle est tout sourire devant un beau gosse. Je
vais devoir me faire une raison : à moi tous les laiderons et
les idiots !
Qu'est-ce
que je disais ? L'homme le plus laid de l'assemblée ! Et
où s'assied-il ? À ma
table ! On me les attribue tous, ce n'est pas croyable !
***
Si
je me mords les doigts à nouveau, c'est de dépit. Gautier a été
charmant. Certes, il n'est pas un canon de beauté (c'est un
euphémisme !), sa physionomie pataude le dessert, mais sa
conversation est agréable, il sait parler et écouter, deux qualités
qui m'ont ravie. Il a du savoir-vivre, il est galant, il est...
tellement plein de choses. Il m'a littéralement charmée, si bien
que j'en suis restée stupide, répondant par monosyllabes quand
j'aurais dû développer, développant ce qui aurait demandé de la
concision. En plus de ça, je me suis senti rougir jusqu'à la racine
des cheveux. Quelle idiote, mais quelle idiote ! Que va-t-il
penser de moi ? Sûr qu'il ne souhaitera pas me revoir…
***
J'ai
bien fait de quitter les lieux sur un coup de tête, car il m'a
suivi, ce Gautier que j'ai jugé si laid,
Gautier-le-pourtant-si-charmant. Je déverrouille ma voiture en
sous-sol quand j'entends :
— Tu
pars comme ça ? Sans me dire au revoir ?
Des
balbutiements pour toute réponse et une stupide rougeur à nouveau.
Je me maudis, me traite de gourde. Heureusement, il s'approche, me
retient le bras, capte mon regard, me sourit. Ses lèvres sont à
quelques centimètres des miennes. Et c'est moi qui franchis la
distance, sans réfléchir. D'instinct. Notre baiser est un
émerveillement. Il a le goût d'une promesse.
Moi,
une âme romantique ? Rien ne va plus ce soir. Toutes mes
certitudes vacillent. Et si tout s'arrêtait là, alors que j'en veux
tant et plus ? Vorace, je cueille un nouveau baiser. Gautier y
répond, se presse contre mon corps, me presse contre le sien.
Je
sens son érection. Cela me rassure : au moins un domaine où je
peux maîtriser quelque chose. Je glisse une main à sa ceinture et
dézippe sa braguette. Nos salives se mêlent tandis que ma main
soupèse la bête en émoi. Je ne pense qu'au plaisir que je lui
donnerai. Parce que je vais me l'attacher, cet homme-là, ce soir,
cette nuit, les prochains jours. Je le veux.
Pour
cela, je quitte ses lèvres pour m'emparer de sa verge dressée. Le
macadam irrite mes genoux, mais je m'en moque. Je m'applique. Je
l'aspire et l'entends grogner. Ma langue s'active ; je prends de
l'ascendant. Il aime mon traitement de faveur et en redemandera…
Son sexe agité de soubresauts sera mon trophée.
Aujourd'hui,
on fête la Saint-Valentin, on fête l'amour. Et il est justement
question de cela, d'amour, dans l'isolement de ce sous-sol, entre
Gautier et moi.