Chevelure

Tout petit texte envoyé à la revue Cohues : Chevelure. Ce texte n'avait pas été retenu, contrairement à l'autre envoyé en même temps, A voyeur, voyeur et demi.

La file d'attente, les regards empressés de se perdre dans le vague, et son apparition devant le guichet d'une gare, dans ce lieu de séparation et de retrouvailles, où rien ne commence jamais, où tout s'enchaîne ou finit.
Une apparition dans la file et je la revis sur le quai.

Le souffle du vent balayait ses cheveux.
Ses cheveux. Ils avaient cette longueur que l'on dit médiane. Ni une coupe de garçonne, cheveux effilés comme des couteaux, durcis en pagaille, hérisson qui pique, ni la longueur déployée de ces femmes aux boucles épaisses, ondoyant dans un effet de lumière, projecteur et caméra, shampooing et sourire figé. Mi long, ce n'était ni trop, ni trop peu : on pouvait y porter ses doigts repliés comme une fourche et y caresser les mèches sans blesser de ses ongles. Un geste doux, le cœur en suspens dans le mouvement léger, pour témoigner de sa muette fascination.
J'aurais aimé ainsi porter la main sur la chevelure aux reflets roux. Étincelle, feu-follet, folie, fine flamme...

Tu avais dû comprendre à mon regard qui épiait le vent, les mèches joyeuses virevoltantes autour de ton cou qui jouaient sautillantes une farandole enfiévrée, la mèche ombrageuse qui se plaquait sur tes yeux, colin-maillard, et tourne et tourne pour te déboussoler ; tu avais dû comprendre à épier ainsi chaque envolée que je n'aimais de toi que cette chevelure.