Voici la première version de Pour quelques chamallows, mis en ligne avant-hier. Ours en guimauve est deux fois plus court, la fin surtout diffère.
J'avais onze ans. Elle en
avait treize. Sous son tee-shirt, sa poitrine se formait. Elle aurait
souhaité porter un soutien-gorge, comme Sarah, sa voisine, mais
n'osait pas encore en parler à ma tante.
Magali était ma cousine. Je
passais deux semaines de vacances chez elle, parce que l'été est
long quand on reste chez soi. Mes parents avaient trop à faire et
pas assez d'argent pour m'envoyer dans une quelconque colonie.
Sarah était certes dans la
même classe que Magali, mais elle avait redoublé une fois. Quatorze
ans, ce n'est pas treize. Elle affichait donc sa supériorité.
Le soutien-gorge était pour
ma cousine l'attribut par excellence de la femme qu'elle souhaitait
ardemment devenir. Si elle n'avait pas craint les réprimandes de ma
tante, elle aurait demandé à Sarah de lui en prêter un...
Le soutien-gorge et les règles
qu'elle n'avait pas encore, alors que toutes sans exception, dans sa
classe, saignaient de l'entrejambe : nos sujets de conversation
tournaient en rond. Les siens surtout, car je préférais parler
d'autres choses. Et surtout me défouler, parce que les grandes
passaient leur temps à discuter dos au mur, alors que mes jambes
avaient besoin de bouger : du patin à roulettes, des tours en
vélo, et même des commissions pour ma tante. J'allais de bon cœur
chercher du pain à la boulangerie, car je pouvais garder la monnaie.
Je collectionnais de la sorte des centimes en attendant de pouvoir
m'offrir un sachet d'ours en guimauve que je lorgnais sur l'étal de
la boulangère.
Magali me laissait y aller
seule, une fois que nous avions tourné au coin de la rue. J'avais la
consigne de ne pas cafter auprès de ma tante. C'est au prix de mon
silence que je gardais toute la menue monnaie. Je ne savais pas à
quoi Magali occupait son temps ; je ne me souciais que de mes
pièces dorées. Je trouvais ma cousine, en revenant, à la même
place qu'à l'aller, les joues rouges d'être restée au soleil.
Sarah et Magali n'étaient pas
copines à l'école, mais se rejoignaient l'été, à défaut de
trouver d'autres camarades de jeux. Je n'aimais pas quand Sarah me
traitait de bébé. Magali ne prenait jamais ma défense. Petite
lâcheté à laquelle j'opposais une bouderie, le soir venu.
J'aurais pu m'éloigner
d'elles, mais je ne savais pas m'occuper seule, pendant qu'elles
parlaient de tampons et de garçons. Je les embêtais donc un peu,
capturais une araignée ou quelque gendarme que je posais sur leurs
jambes nues. Elles s'agitaient pour chasser la bête et je riais de
bon cœur. Mes efforts portaient leurs fruits : j'attirais leur
attention, elles m'insultaient et me coursaient parfois pour
m'asséner une claque retentissante.
À défaut de réussir à
chasser « cette petite peste », autre surnom que Sarah me
donnait, les filles prirent le parti de se servir de ma présence.
Sarah commença ainsi à me donner des ordres. Refaire le lacet de sa
paire de tennis mauve. Lui chercher un verre d'eau. Elle me fit
fabriquer un éventail avec lequel je devais ventiler son visage. Je
m'exécutais, contente d'être admise dans leur tête-à-tête. Puis
ces services prirent un tour différent. Lorsque je me penchai pour
fermer un bouton négligemment ouvert sur son nombril, Sarah souleva
ma jupe et claqua mes fesses. Je sursautai. Les deux filles
pouffèrent de rire comme des sottes. Elles ne me donnaient des
claques, d'habitude, que lorsqu'il s'agissait de punir une bêtise.
Jamais sans raison.
— Je suis Cléopâtre, dit
alors Isabelle. Sache, esclave, que si tel est mon bon plaisir, je te
fesserai. Tu devras te laisser faire et ne pas geindre.
Puisqu'il s'agissait d'un jeu,
je voulus bien participer, même si je prenais quelques claques
légères. Je fus décontenancée cependant lorsque Sarah et Magali
s'allièrent pour me maintenir tandis qu'elles descendaient ma
culotte. C'était sur la peau nue que Cléopâtre entendait fesser
son esclave. Je pleurai de honte.
Le lendemain, je décidai de
lire des BDs dans la chambre et de les laisser seules. Au bout de
vingt minutes, Magali vint me chercher.
— Allez, ne fais pas la
tête, viens jouer !
— Pas question !
Elle savait néanmoins comment
m'appâter. J'étais très gourmande, hélas. Et n'avais pas encore
pu acheter le paquet d'ours en guimauve convoité. Magali avait
trouvé le moyen de se procurer ces friandises et plaça sous mon nez
un ours ventru recouvert de chocolat au lait.
— Allez viens, tu joues à
l'esclave avec nous et on te donnera à chaque fois un ours !
Comment résister à cet
appel ? Je me levai et suivit ma cousine jusqu'au jardin. Sarah
nous y attendait.
— Eh bien, esclave !
Ton manque de ponctualité mérite un châtiment ! Baisse ta
culotte et tiens-toi prête !
La reine Cléopâtre m'asséna
donc une fessée pleine d'entrain qui marqua de rouge mes fesses.
Puis Magali me tendit un ours en guimauve que je m'empressai de
déguster entre deux hoquets.
— Demain, sans faute, viens
ici. Nous avons d'autres projets pour toi, me dit-elle.
Je rentrai dans la chambre
pour lire la suite de Garfield.
Le soir, sans en avoir le
moins du monde convenu, Magali et moi n'évoquâmes pas la scène de
l'après-midi. Je me demandais cependant, avant de m'endormir, ce que
le lendemain allait me réserver. Je repassai dans ma tête la scène
de la déculottée et je me tortillai dans mon lit en frottant mes
cuisses l'une contre l'autre.
Le lendemain, Sarah
m'apostropha dès mon arrivée.
— C'est bien, esclave, tu es
à l'heure. Pour te récompenser, tu vas pouvoir embrasser l'intimité
de ta maîtresse.
Je n'étais pas très
dégourdie, aussi je ne compris pas ce que Sarah attendait de moi.
Mon hésitation fut perçue comme un signe de rébellion. Magali se
chargea alors de me déculotter et de me frapper avec une branche
fine.
— Allons, approche,
esclave ! ordonna Sarah. Ne vois-tu pas ce que j'attends de
toi ?
Sarah avait elle aussi ôté
sa culotte, puis s'était allongée dans l'herbe. Sa jupe de danseuse
était relevée au-dessus de la taille. Elle écarta les jambes. Je
vis alors ce que je nommais ridiculement sa
zézette. Elle
avait des poils. À l'intérieur, c'était rose.
— Embrasse mes lèvres du
bas ! Tout de suite !
L'ordre était étrange, mais
je m'y pliai. C'était moins pénible que de recevoir des coups de
badine. J'embrassai donc les lèvres, même si les poils me
chatouillaient. La bouche salivait.
— Sors la langue, empotée !
Je fis ce que Sarah me
demandait. Je lapai donc la salive qui coulait et tirai ma langue le
mieux que je pus pour lécher le palais de sa bouche rose. Sarah
gesticulait et respirait fort.
— Plus haut, sur le petit
bouton !
Je suivis les instructions,
tant que je le pus, car Sarah se mit à haleter encore plus fort et
me repoussa subitement d'une ruade.
Magali, qui avait observé la
scène en silence, me remit un ours en guimauve. Je le pris et
retournai dans la chambre. L'épisode était si étrange que je me
trouvai très agitée. Impossible de lire. Allongée au milieu des
Astérix et des Boule et Bill, je passai par imitation de la scène
qui venait d'avoir lieu un doigt à l'endroit où ma langue avait
touché Sarah. Je sentis que chez moi aussi, il se passait quelque
chose de curieux. Et lorsque je touchai le bouton, je me sentis
encore plus bizarre.
Toute à mes essais, je
n'entendis pas ma tante approcher. J'en étais au plus fort de mon
exploration quand sa voix m'arrêta net.
— Mais qu'est-ce que tu
fais, petite dégoûtante ?
Je rougis, honteuse et
bafouillai. Pour que le tort ne retombât pas sur moi, je racontai
que je touchais l'endroit où Sarah m'avait demandé de la lécher.
Ma tante tomba des nues. Il s'en suivit de sévères remontrances,
des punitions, des conciliabules entre adultes, et pour moi
malheureusement un retour précipité chez mes parents. Mes vacances
étaient gâchées. Je regrettai d'avoir raconté ces jeux qui
auraient dû rester secrets. D'autant plus que je fus privée des les
ours en guimauve que j'aimais tant.