Jackpot à Las Vegas

Texte qui a fait partie de l'offre d'abonnement du site Rose Bonbon, Jackpot à Las Vegas a ensuite été mis sur mon ancien blog. Le voici à nouveau en lecture libre :



Élina s'était décommandée par texto. Je l'avais aussitôt rappelée : je n'allais pas la laisser détruire nos plans de vacances en quatre mots et un smiley, mais elle m'avait répondu qu'elle ne changerait pas d'avis. Ma meilleure amie venait de rencontrer le « grand amour », ainsi qu'elle l'affirmait, et avait décidé d'accompagner son nouveau boy-friend lors d'un séjour de deux semaines en Normandie. Je les imaginais bien, tous les deux, roucouler les pieds dans l'eau froide, enveloppés dans des cirés. Six mois qu'on parlait de ce grand voyage dans l'Ouest américain. Six mois ! Et elle préférait gravir des pavés ruisselants de pluie du Mont-Saint-Michel et manger l'omelette de la mère Poulard, plutôt que d'admirer le Grand Canyon, tout ça pour les beaux yeux d'un mec sorti d'on ne sait où. Le comble : elle me refilait son frère !
J'étais vexée. « Faut pas pousser, tu me mets un gamin dans les pattes ! Tristan, en plus, le barjo qui me faisait des misères chaque fois que je le gardais ! »
Quand j'étais ado, j'avais été embauchée comme baby-sitter du petit frère d'Élina, et cela n'avait pas été une partie de plaisir. Le garnement avait, selon la liste restreinte que je lui rappelais : attaché mes lacets pour que je me casse la figure lorsque je voudrais faire un pas, mis du poivre dans mon jus d'orange, fermé la porte d'entrée alors que j'étais sur le seuil, sans clef bien entendu.
Élina rit en m'écoutant relater mes mauvais souvenirs et me répondit que son frère avait quand même grandi, s'était bonifié, et peut-être même, ajouta-t-elle, qu'on s'entendrait, tous les deux.
Je n'avais pas revu Tristan depuis une dizaine d'années, je conservais l'image d'un insupportable mouflet. J'eus peine à le reconnaître dans l'homme courtois qui s'était avancé pour me saluer dans le hall de l'aéroport. Effectivement, il avait changé…

Plusieurs heures d'avion plus tard, un guide muni d'un parapluie rouge vif au nom de l'agence de voyages nous accueillit. Le groupe d'une vingtaine de personnes s'était rassemblé autour du pâtre, qui nous fit grimper dans un bus climatisé. Nous devions rejoindre l'hôtel. Premier problème : je devais partager une chambre avec Élina, mais il n'était pas question de dormir dans le même lit que son frère. J'en avertis le guide, qui, embarrassé, se mit à baragouiner quelque chose au téléphone. Si nous consentions à ajouter un supplément de notre poche, tout s'arrangerait au mieux. Le guide, efficace, passa immédiatement un coup de fil à l'hôtel suivant, à Las Vegas, pour prévenir du changement. Sauf que celui-là annonçait complet. L'affaire se corsait.
— Bah, me dit Tristan. On se débrouillera, t'inquiète pas. Je dormirai par terre avec des coussins, s'il le faut.
J'observai Tristan du coin de l'œil. Il ne disait pas cela pour rire, il me sacrifiait réellement le confort d'un lit. Si j'avais pensé que le sale gamin que je gardais était devenu un gentleman… j'aurais cherché à le revoir plus tôt au lieu d'attendre que le désistement d'Élina nous place enfin en présence l'un de l'autre. Mon amie disait sans doute vrai : nous pourrions nous entendre…
Je me mis ainsi à caresser un doux espoir. Il n'y avait pas que son attitude qui m'attirait. Tristan était certes plus jeune que moi, mais c'était un homme, svelte, plutôt mignon, avec, comment dire… de la distinction ? du charisme ? Je n'étais pas la seule à l'avoir remarqué : une blonde aux lèvres rouges, placée à quelques sièges, le regardait plus souvent que nécessaire. Elle semblait sûre de son pouvoir de séduction et cela m'agaçait prodigieusement. Après tout, c'était le frère de ma meilleure amie, j'avais presque un devoir envers Élina, je devais tenir compagnie à Tristan et surtout lui éviter d'entrer en contact avec la grande blonde à bouche rouge qui ferait de lui sa proie. Il était sans doute un peu tôt pour envisager de partager un lit, mais l'idée de dormir dans la même chambre ne me déplaisait plus tant, si cela pouvait éloigner la chasseresse… et me rapprocher de Tristan, par la même occasion.

Dans le bus, le lendemain, je m'assis délibérément à côté de lui et engageai la conversation.
— Tu ne crois pas que nous avons du temps à rattraper ? Raconte-moi ce que tu deviens. Élina ne m'en a rien dit.
Tristan sourit et répliqua :
— Cela ne m'étonne pas qu'elle ne t'ait rien raconté, vu les mauvais souvenirs que j'ai dû te laisser ! Je te faisais enrager lorsque tu passais me garder, après l'école !
Sa réponse me ficha un coup de vieux. Merci Tristan, de me rappeler qu'on a plusieurs années d'écart, et que les années n'étaient pas à mon avantage.
Il reprit :
— Par contre, ma sœur m'a parlé de toi. À quel point elle pouvait compter sur sa grande amie Sarah, combien tu étais sympathique, intelligente et belle… En fait, elle m'a brossé un tableau idyllique de ta personnalité et de ton physique, surtout ces derniers jours. Il paraît qu'on serait super bien ensemble. Faut pas trop chercher ce qu'elle avait en tête en m'offrant de voyager à sa place…
Je grimaçai.
— Ha ha, toi aussi, tu trouves ça fumeux ? Ma sœur qui imagine nous caser l'un avec l'autre, quel plan de génie !
Je fis mine de trouver ça drôle. Cependant, je riais jaune. Dire que je n'étais pas loin de partager ce plan… Voilà que tout était fichu, que l'idée de former un couple avec moi le faisait se marrer ! Finalement, il ne méritait pas que je m'intéresse à lui. Je décidai de ne plus lui adresser la parole et de profiter du voyage et exclusivement du voyage. Après tout, je n'étais pas aux États-Unis pour me maquer.
Le bus roulait depuis plus d'une heure sans faire de pause. Devant nous s'étendait un décor digne d'un film hollywoodien. Nous étions dans la Sierra Nevada et approchions de la Vallée de la mort. Encore une heure et nous y serions... Je ne quittai pas des yeux le paysage qui défilait. Lorsque nous arrivâmes à cette fameuse vallée, je ne regrettai pas un instant d'avoir investi autant d'argent dans ce circuit. Une étendue désertique, des rochers comme surgis de nulle part, et cette route que nous sillonnions qui se semblait se dérouler à l'infini : c'était gigantesque, époustouflant, d'une beauté sauvage. C'était splendide. J'en pris plein la vue. Tristan se disait plus mot, il contemplait aussi le paysage. De temps à autre, je jetai un coup d’œil furtif en sa direction. Quel gâchis ! Qu'il finisse avec la blonde puisque je ne l'intéressais pas !

Lorsque nous entrâmes à Las Vegas, ce fut un nouvel émerveillement. Je préférai les paysages désertiques contemplés en journée, j'étais venue pour ces somptueux décors, mais je ne pouvais être insensible au gigantisme des établissements de la ville, qui rivalisaient de lumières pour attirer des clients. Après le dépôt des bagages à l'hôtel et un dîner rapide, une folle soirée nous attendait au casino. Avant la nuit à laquelle je ne souhaitais plus penser.
La chambre d'hôtel était spacieuse. Le lit était à son image, large, long, on aurait pu y dormir facilement à trois, alors peut-être qu'en plaçant un oreiller entre nous deux, Tristan et moi pourrions y dormir sans nous déranger l'un l'autre, après tout... Je ne lui suggérai pas encore ce plan. Nous avions le temps : tout le groupe devait rester dans le même casino jusque tard dans la nuit, avec James, notre guide. On devinait une longue pratique des salles de jeux chez lui, tant il semblait très à l'aise au milieu des tables. Il était indéniablement dans son élément. Pour ma part, je n'avais jamais mis les pieds dans un tel lieu et, si je n'avais pas vu un James Bond à la télévision, j'ignorerais que c'était devant un baccara que James s'était assis en compagnie de la grande blonde aux lèvres rouges. Elle s'était mise sur son 31 et arborait une longue robe de soirée de la même teinte que sa bouche. Ainsi, la blonde n'en avait plus après Tristan. Sa proie, c'était James... Je les laissai flirter, l'un contre l'autre, et décidai de m'éloigner du groupe qui se tenait encore soudé à quelques pas du guide.
Je possédais quelques jetons destinés aux machines à sous, mais ne comptais pas m'attarder à ce jeu ni à aucun autre. Je n'avais jamais, de toute ma vie, rempli que deux ou trois grilles de loto, avec des collègues, pour leur faire plaisir plus que par réelle envie… Alors tout un univers dédié au jeu… Tout était si loin de mes goûts et de mes envies ! Cependant, je n'étais pas insensible au spectacle. Les joueurs fébriles qui tendaient leurs cartes, des jetons de couleur qui s'empilaient, qui passaient dans les mains d'un joueur plus habile, le croupier qui regardait d'un œil de lynx la partie qui se déroulait devant lui, les lumières vives, les clignotements, la sirène d'une machine à sous qui s'emballe et annonce aux oreilles de tous que quelqu'un, dans un coin de la même pièce, fait fortune... C'était émoustillant. La tension qui régnait entre des joueurs me gagnait, alors même que je n'étais que spectatrice.
— Excitant, non ? me demanda-t-on soudain, en posant une main sur mon épaule.
Je sursautai. C'était Tristan.
— Que dirais-tu d'un blackjack ?
Je répondis que je n'en connaissais pas les règles et que je pensais me diriger vers les machines à sous.
— Cela tombe bien, moi aussi, je voulais m'y rendre, affirma Tristan.
Je m'étonnai de ce revirement.
— Tu viens ?
Je le suivis, hébétée de constater qu'il recherchait ma compagnie. Maintenant qu'il avait mis les points sur les i avec moi, il ne craignait sans doute plus le moindre rapprochement entre nous. Il pourrait même dormir tranquille, cette nuit, je ne me jetterais pas sur lui pour le violer !
C'est alors que mon regard tomba sur ses fesses. Pour ma défense, je dirais qu'elles se trouvaient dans le champ de mire puisqu'il avançait alors devant moi, et que rien n'était prémédité. Seulement, une fois que mes yeux furent ancrés sur son fessier, je ne pus les y déloger. Tristan avait un tel cul ! Et il savait comment le mettre en valeur : son jean bleu délavé semblait taillé sur mesure pour englober ses petites fesses. Je me demandai alors si, par devant, la toile épousait aussi bien ses formes. En cas d'érection, cela devait valoir le coup d'œil…
Tristan se retourna soudain. Je levai les yeux aussi brusquement : je ne pouvais décemment pas fixer son entrejambe. Il me désigna une machine à sous libre et me proposa d'aller chercher des boissons tandis que je me ferais la main. J'acquiesçai et introduisis un premier jeton. Il me sembla que le levier, entre mes doigts, avait une forme phallique. Je ne sus si c'était l'ambiance électrique, la fatigue, le bruit, mais je ne me sentais pas dans mon état normal. Les images qui défilaient sur l'écran de la machine paraissaient lubriques. Un peu comme les taches d'encre de Rorschach, même si je n'avais jamais voulu avouer, lorsque j'avais passé ce test avant mon embauche, que je distinguais des figures alambiquées dignes d'un Kama Sutra.
Tristan me sortit de ma brumeuse rêverie en me tendant un verre de soda.
— J'espère que t'aimes ça, me dit-il. En dehors des alcools, il n'y a pas trop de choix.
C'était sucré, avec un goût artificiel de citron sans amertume, mais peu importait. Nos doigts s'étaient frôlés lorsque j'avais saisi le verre et je ne songeai plus qu'à ce léger attouchement en me demandant quelle serait sa réaction, si je le touchais ailleurs. Beaucoup plus bas, côté pile et côté face.
— Sarah ? Dis, ça va ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette. Le trajet en bus était quand même long aujourd'hui. Cela t'a semblé fatigant ?
Je ne sus quoi répondre. Je n'avais pas besoin de sa sollicitude. J'avais besoin de toute autre chose de sa part… Autre chose qu'il ne me donnerait pas, il me l'avait bien fait comprendre.
Pour ne pas rester bêtement muette, pour donner le change, je tirai désespérément sur le levier de la machine à sous. Comme si j'avais voulu arracher ce symbole de virilité pour ôter définitivement de ma tête ces élucubrations, toutes les images que cet homme faisait naître dans mon esprit. Mais soudain, tout clignota, la machine vrombit, sonna bruyamment, et quantité de pièces se déversèrent. J'avais gagné ?
Tristan poussa une exclamation, me prit par la taille et me leva de terre. Pire, mieux, enfin, je ne savais plus comment l'interpréter : il m'embrassa sur les lèvres, comme si nous fêtions en couple ce gain inattendu.
— Waouh ! s'exclama-t-il encore. Je n'en reviens pas !
Moi non plus, je n'en revenais pas. Mais je pensais à ses lèvres sur les miennes et non au tintement des pièces à l'emblème du casino. Alors, je sus quoi faire avant même d'y réfléchir : recommencer. J'attaquai de front, immédiatement, et j'envahis sa bouche. Il me permit d'entrer et captura ma langue. J'avais posé in extremis le verre dans un coin, mais avais laissé tomber des jetons pour me coller à lui et l'entourer de mes bras. Je pressentis confusément que ces jetons n'étaient pas perdus pour tout le monde : nous fûmes bousculés et j'en profitai pour me rapprocher encore. Contre mon bas-ventre, je sentis l'érection sur laquelle je fantasmais quelques minutes plus tôt. La tournure que prenaient les événements était à l'image de la ville : folle et démesurée. Je me frottai contre lui pour me faire une idée plus précise de la taille de son engin. Pour l'inciter à se redresser davantage aussi. Nos bouches étaient encore soudées, je mangeais Tristan, je le dévorais. Ses mains m'étreignaient. Nous en avions envie, tous les deux… L'hôtel était à quelques pas et nous devions partager une chambre… Pourquoi tergiverser ? Nous nous enfuîmes aussitôt, en laissant bêtement tout ce que contenait le bac à pièces. L'argent indiffère quand surviennent de telles urgences.

Dans notre chambre commune, j'envoyai balader mes vêtements. Je jetai ma veste, les chaussures… Le tee-shirt passa au-dessus de ma tête, mes seins sortirent de mon soutien-gorge, avant qu'il ne fût dégrafé, tétés par un amant impatient dont je tenais la queue raide dans la main gauche. Tristan s'était désapé tout aussi rapidement. Il avait gardé ses chaussettes et son boxer que je n'avais que partiellement descendu. J'y glissai les mains pour agripper ses fesses, logeai mes doigts entre elles, jusqu'à toucher ses bourses, jusqu'à toucher son anus et tester son élasticité du bout du doigt. De l'autre main, je continuai une longue caresse sur sa verge, tantôt lente, tantôt énergique. Tristan me porta sur le lit, j'ouvris aussitôt mes jambes et il s'inséra entre elles, pour explorer à son tour tout ce qui lui était encore caché. Le mont de vénus chatouilleux, les lèvres épaisses qui s'écartaient sur un bouton gorgé de sang, qui pointait vers lui, suppliant, afin d'être sucé à son tour. Mes seins n'étaient pas seuls à réclamer une telle attention… Mon sexe tout entier appelait sa bouche chaude, sa langue humide. Et ses doigts dans mon con. Je haletai, j'avais besoin de le sentir en moi, je le lui dis « ça suffit, viens, on reprendra tout plus tard, plus lentement, mais là, je te veux, j'ai assez attendu ». Il m'obéit. Son sexe s'enfonça. Les préliminaires, oui, soit, mais parfois rien ne valait la rapidité d'une pénétration, des coups de bassin réguliers, pour me limer, jusque très loin, profondément, comme s'il voulait m'arracher les entrailles de son braquemart. Impossible de tenir très longtemps à ce rythme...
Ce ne fut qu'après nous être étendus, après un premier orgasme, après avoir délié nos membres, que de nouveaux jeux apparurent, plus lents, plus subtils. Nous avions rassasié notre faim ; nous nous délections à présent de baisers sur nos peaux nues, de caresses sur le dos, le ventre, les cuisses, mes seins à nouveau, ses bras, nos lèvres. Nous avions la nuit. Nous avions neuf nuits après celle-là à partager avant notre retour en France. Dix façons de nous découvrir et d'amener l'autre au plaisir. Je le chevauchai à mon tour, glissai sur sa colonne tendue et, dans cette position de l'amazone, mes yeux dans les siens, je fus fauchée par un nouvel orgasme. Je feulais et répétais inlassablement son prénom.
Tristan. Le frère d'Élina. Qui l'aurait cru ?
Il y eut alors comme un écho et, l'oreille aux aguets, le rire au bord des lèvres, nous entendîmes distinctement que nos voisins de chambre s'adonnaient à la même activité que la nôtre…
— Tu sais qui du groupe dort à côté ? demanda Tristan.
Je n'avais aucune certitude, mais il m'avait semblé que le rapprochement du guide et de la blonde, au cours de la soirée, n'était pas étranger aux cris d'extase que nous avions entendus. Si c'était le cas, tant mieux pour eux… et aussi pour moi. Je n'avais pas perçu l'intérêt de la touriste pour mon Tristan sans une pointe de jalousie.
La blonde n'était sans doute pas du genre à ne croquer qu'un mâle à la fois et je comptais bien, les jours suivants, afficher notre relation pour la dissuader d'approcher.
Quoique, j'allais un peu vite… Au matin, je fus saisie d'une crainte légitime après ce temps d'extase.
— Et maintenant ?
Il fallait poser la question, même si la réponse était douloureuse. Mettre la plaie à vif, le plus vite possible, ne pas attendre que la situation se gangrène. Il était 8 heures, heure locale. Le voyage se poursuivait. Qu'en serait-il de nous deux ?
— Ben maintenant, on n'a plus besoin d'embêter le guide avec nos demandes de chambres seules ! Enfin, si tu le veux bien, finit-il, soudain inquiet.
Soulagée, je lui fis un clin d'œil.
— Ta sœur n'avait donc pas tort de vouloir te caser avec moi…
— Ne m'en parle pas, c'est agaçant de voir à quel point elle est tombée juste !