Boris est un texte publié dans un collectif de la Musardine. Mais c'est un texte que j'avais commencé par écrire pour les éditions Textes gais, que j'ai modifié plusieurs fois... La narratrice au départ était tombée sous le charme de ce Boris avant de découvrir qu'il était homosexuel. Et il y avait deux variantes pour la fin : ou Boris parlait au gars sur lequel il fantasmait et tout était fini car il était repoussé ou bien Boris ne racontait que l'été suivant qu'il avait vu l'objet de son fantasme avec un autre et qu'il avait alors compris qu'il n'avait aucune chance. Ces variantes (qui se trouvent mélangées dans le fragment de texte que je place ici) n'étaient pas érotiques du tout, c'était simplement une ode à la jeunesse et à l'amitié. La scène érotique de Boris - tel qu'il a été publié - a été ajoutée pour coller à l'appel à textes "sea, sex & sun" (et me semble encore maintenant peu naturelle). Voici ces deux fins originales mêlées, partie extraite de ce que j'avais d'abord rédigé :
et
un regard qui le faisait fondre. Boris l'admirait de loin alors que,
serrée contre lui, je dus taire cet élan du cœur qui était né à
son contact. J'admirais en Boris l'aisance avec laquelle il évoquait
ses émotions et ses yeux mi-tristes mi-joyeux, tour à tour sérieux
et rieurs. Il ne serait jamais à moi, je le compris, mais j'avais
gagné son amitié, je devins sa confidente.
Il
n'osait cependant pas lui parler. Il le ferait, oui, il se le
promettait chaque jour, et repoussait chaque jour un peu plus le
moment fatidique. Ce fut la veille de son départ qu'il se jeta à
l'eau, au sens propre comme au sens figuré. Timothée et Boris
sortirent des flots simultanément, Boris s'adressa à lui, Timothée
fit un geste en direction du glacier. Ce même glacier qui m'avait
fait le rencontrer. Ils marchèrent dans le sable mouillé. La
conversation s'anima quelques instants puis retomba. Ils
s'éloignèrent l'un de l'autre. Boris revint vers moi, les traits
figés. Je ne lui demandai rien ; son visage parlait pour lui.
Alors je l'entourai de mes bras en chantonnant une mélodie que
j'inventai.
— On
se voit l'an prochain ?
C'était
moins une question qu'une assertion. Oui, on se verrait l'année
suivante, c'était certain. Et d'ici là, nous garderions le contact.
J'avais gagné un ami précieux, à défaut de… Pourquoi dire « à
défaut » d'ailleurs ? Boris ne m'avait rien laissé
espérer, j'avais immédiatement su que seuls les garçons
l'intéressaient. Je ne m'étais accrochée que quelques heures à
l'idée que peut-être… Tout au plus avais-je ressenti un pincement
au cœur. Notre amitié surpassait tout le reste : je le savais,
elle serait indéfectible.
Nous
passâmes ainsi un nouvel été à regarder l'océan et ses vagues,
assis côte à côte sur les rochers. À
la rentrée universitaire, j'étais tombée sous le charme de mon
voisin de cité U. Boris sourit en m'écoutant narrer pour la
troisième fois au moins mes tentatives de séduction qui avaient
duré deux longs mois avant que je ne parvinsse à mes fins.
— Et
toi ? lui demandai-je.
Il
resta silencieux un moment, pensif.
— Je
l'ai revu après la plage, tu sais.
Il
parlait de Timothée. Je le compris aussitôt.
— Je
ne t'ai pas raconté, l'an dernier, et puis, je n'ai pas osé,
ensuite. C'est bête, vois-tu, j'étais convaincu qu'il y aurait
quelque chose entre nous deux, c'était comme une intuition. Ce n'est
pas que Timothée n'aime pas les hommes, c'est juste que je ne
l'attirais pas, moi. Le soir même où je lui ai parlé, je l'ai
croisé ; il déambulait dans la rue avec un gars. Il y avait
manifestement quelque chose entre eux, ça transpirait dans leurs
gestes, dans l'intonation de leur voix, dans l'inclinaison de leur
tête lorsqu'ils se regardaient. Cela m'a fait mal, un mal fulgurant.
Je crois que cette douleur-là reste tapie en moi, encore maintenant,
en sourdine, mais présente.
Je
ne savais pas quoi lui répondre. Le chagrin d'un ami nous serre le
cœur aussi sûrement que notre propre chagrin.
— Bah,
c'est quand même de l'histoire ancienne, je ne vais pas moudre des
idées noires alors que c'est l'été et qu'on est en vacances,
ajouta-t-il soudain. Regarde la plage ! Les beaux mecs nous
attendent, tu ne crois pas ?
J'opinai.
Oui, nous étions jeunes et bien plus confiants en nous-mêmes que
l'année précédente. Nous étions prêts. Le monde nous
appartiendrait.