À l'huile de noix

Ce texte, À l'huile de noix, date de 2012. Je l'avais écrit, comme le précédent texte de ce blog, pour le thème "sodomie" des éditions La Musardine, thème qui n'a pas débouché sur un recueil et dont je n'ai plus entendu parler. Je vous en propose donc ici la lecture.


J'accompagnai ce soir-là la flammekueche d'une salade verte assaisonnée à l'huile de noix. Mes convives relevaient souvent la saveur particulière de l'assaisonnement et cherchaient ce qui titillait ainsi leurs papilles. Je vivais à Strasbourg depuis de longues années, mais jamais je ne cessai d'utiliser l'huile de noix de ma jeunesse, que je passai en Isère. Certains y verraient une simple nostalgie de l'enfance. En réalité, l'huile de noix était associée dans mon esprit à une expérience sexuelle si intense que son goût éveillait un flot de désirs que j'aimais faire ressurgir. Proust avait sa madeleine, j'avais ma noix. Chacun mangeait sa salade et discutait du dernier film, du dernier impôt, du dernier rayon de soleil. Je ne les écoutais plus que d'une oreille distraite. Dans le creux de mon sexe, la machine s'était mise en branle. Dès que je mangeais des noix, sous quelque forme que ce fût, et a fortiori sous cette forme visqueuse, je mouillais au souvenir du fol été de mes vingt-ans.

Vingt ans, et seulement mon bac. J'en avais mis, du temps, me répétait-on. À force de les entendre braire à ce sujet, je n'espérais qu'une chose : me débarrasser d'eux. La fac de Grenoble je m'étais pré-inscrite en psycho ne commençait ses cours qu'à la mi-octobre. Les journées me paraissaient longues. Je cherchai à m'occuper et trouvai une annonce d'un producteur de noix du côté de Vinay. La récolte débutait mi-septembre. Un mois de travail tout au plus, assez fastidieux puisqu'il fallait trier les fruits à la main, mais un mois sans famille sur le dos. À tout prendre, je préférais les noix aux parents. Après un contact téléphonique avec Jean-Yves, une semaine environ avant le début de la récolte, j'allai dans l'exploitation.
Je garai la Clio dans la cour gravillonnée. Jean-Yves m'accueillit, en combinaison de travail vert bouteille, cheveux en bataille, bottes aux pieds. Il me serra vigoureusement la main. Sa voix était chaleureuse. Il n'était ni beau ni laid et son accoutrement ne le rendait pas séduisant, mais il possédait ce que l'on pourrait nommer un certain charme, et je n'y fus pas insensible. Le remarqua-t-il ? Il cherchait mon regard autant que je cherchais le sien. Ses yeux gris-bleu me faisaient frissonner. Bien sûr, je me ressaisis. N'avais-je pas lu trop de romans à l'eau de rose pendant ce pénible mois d'août le temps maussade m'avait forcé à me terrer dans ma chambre ? Le regard et le frisson étaient des lieux communs de cette littérature. Les protagonistes échangeaient un baiser au troisième chapitre environ, parfois faisaient l'amour, chastement cependant, se brouillaient quelque temps pour faire tenir la lectrice en haleine et se réconciliaient, enfin, quand un lourd secret qui les empêchait de céder à leur amour éclatait. La description du baiser final, tout hollywoodien, durait au moins deux pages.
Jean-Yves m'avait précédée, il me montrait l'installation, pointait du doigt ses noyers plantés au cordeau. La visite finie, il me dit à bientôt, me serra à nouveau la main. C'était tout. J'avais rêver le regard, le frisson... Pauvre idiote !

Je revins quelques jours plus tard. Même poignée de main, même voix chaleureuse. « Allez, au travail ! », me dit-il en me poussant vers mon poste. Il accompagna le mouvement d'une claque sur les fesses. Je sursautai. Me retournai. Il était déjà parti. J'attendis impatiemment l'heure de la pause. À mes côtés, deux jeunes employées s'activaient. Le « patron » nous apporta un thermos de café. Je trempai deux sucres dans mon gobelet en le dévisageant. Il sourit. J'avais préparé un sandwich pour le déjeuner, mais Jean-Yves profita de cette pause de dix heures pour me glisser que j'étais son invitée chaque midi. Il ne laisserait pas une employée manger un casse-croûte à la hâte ! Les deux autres vivaient à côté et rentraient déjeuner chez elles. Je serais donc seule avec lui. L'idée me réjouit, et m'effraya tout à la fois.

Un pâté de lapin et des légumes vapeur attendaient sur la lourde table en bois de la cuisine, qui faisait aussi office de salle à manger. Je pris place sur un banc. Jean-Yves me servit copieusement. Et tout alla très vite. Plus vite que dans les romans que j'avais lus en tout cas, puisque je me retrouvais dévêtue, soutien-gorge pendouillant après avoir été dégrafé, jeans en bas des jambes alors que sa main droite s'insérait sous ma culotte, à l'endroit entre mes cuisses qui pulsait depuis que j'avais rencontré cet homme. Lèvres collées contre ma nuque, main gauche qui pressait un sein, et cet index qui entrait doucement en moi tandis que son pouce large appuyait sur mon clitoris gonflé.
J'avais vingt ans, j'étais un peu niaise, mais pas trop. Jérémy était passé dans mon con, j'avais senti sa pine dans ma bouche, ses mains sur mon corps. Cela n'avait pas duré longtemps, mais j'avais appris les bases de la discipline. Les bases seulement. Jérémy n'était pas très doué. Il n'était pas très appliqué à sa tâche non plus et je n'avais pas connu l'orgasme qui me foudroyait habituellement lorsque je prenais mon plaisir en main dans la solitude de ma chambre.
Avec Jean-Yves, j'espérais davantage, même si ses manières semblaient rustres. Il me fit en effet asseoir sur le bord de la table après avoir déblayé les assiettes, et m'enfourcha dare-dare sans s'être dévêtu. Cela me faisait bizarre. J'étais nue puisque je n'avais plus que mes chaussettes et mes chaussures aux pieds tandis qu'il portait encore son affreuse combinaison. Il avait simplement dézippé l'endroit stratégique et avait sorti son service trois-pièces de là, comme pour pisser en somme. Sous l'engin tressaillaient ses couilles rondes et poilues. Je n'étais certes plus dans un roman de Barbara Cartland, si je l'avais jamais été. Jean-Yves poussait des grognements d'ours tout en malaxant mes seins. Il pinçait par moment les mamelons. Il me faisait mal, ainsi, le salaud ! Je le lui dis. Il me répondit que je n'allais pas faire la mijaurée avec lui et que je découvrirais que ça me ferait plus de bien que de mal. Il s'activa encore, sa tige coulissait de plus en plus vite. Il s'arrêta pourtant subitement, sortit de mon antre, me fit descendre de la table et me plia devant lui. Sa verge humide de ma mouille effleurait mes lèvres. Il me tint la tête et força l'ouverture de ma bouche. Deux allées-venues contre mon palais et je sentis son foutre gicler. C'était âcre. « Avale ! », me commanda-t-il. Je ne savais pas pourquoi j'obtempérais à tous ses ordres. Mais j'étais piquée. J'en voulais encore. Il me pinça la joue en me disant : « c'est bien, tu es une brave fille. » Lorsque je fus à nouveau debout, il me claqua une nouvelle fois les fesses. Ce devint d'ailleurs un rituel entre nous : il exécutait ce geste quand il était content de moi.
« Ce n'est pas facile pour toi de faire tous les trajets matin et soir. Tu devrais rester ici le temps que durera ton travail. Je te logerai à l'œil. » La proposition tomba le soir même. Je promis d'y réfléchir. Mais c'était tout réfléchi. Passer la nuit sur place autoriserait d'autres moments d'intimité que mon sexe dégoulinant réclamait. Mes parents étaient satisfaits de l'arrangement qui me faisait économiser de l'essence. Le lendemain, j'apportai une valise.

Le travail continua, fastidieux. Mais à dix-huit heures, une fois les deux employées parties, je restai seule avec Jean-Yves. Il me claquait les fesses de contentement en me disant « à nous deux, ma jolie ! », qu'il remplaça au bout de quelques jours par un « viens par ici, salope ! »
Nos jeux sexuels prirent de l'ampleur.
Chaque soir, il m'attendait dans la cuisine je l'aidais à préparer le repas. Je commençais par ôter jeans et culotte et ainsi, fesses à l'air, tripotée, claquée et pincée sur chacune d'elles, j'épluchais les légumes. Je devais me concentrer sur ma tâche. Mon visage, mon buste, ne devaient rien trahir des activités qui se déroulaient dessous. Mon pubis collé contre l'évier, je prenais appui, jambes écartées et légèrement fléchies. L'évier était ancien, c'était une pierre froide que l'on voit encore dans certaines fermes. Il était très bas, et cette position arcboutée que je devais adopter ne me gênait pas pour passer les légumes sous un filet d'eau. Jean-Yves aimait caresser subtilement mon clitoris, triturer les grandes lèvres et les froisser entre ses doigts, suivre la raie culière jusqu'à la fine ouverture de mon anus. Il y revenait souvent, appuyait la pulpe d'un doigt, s'éloignait, recommençait. C'était agaçant. Je ne savais d'ailleurs plus très bien si je souhaitais le sentir entrer carrément ou ne plus jamais s'approcher de mon œillet. Un soir, pendant que j'étais légèrement penchée sur l'évier, il inséra quelque chose dans mon con. C'était rugueux, mais enduit d'un produit qui aidait à l'introduction. Une première pression et un objet entra, une autre pression et un objet identique le rejoignit. Je sentis une ficelle pendouiller à l'extérieur de mon sexe.
« On appelle ça des boules de geisha, c'est japonais. Mais comme ici, c'est le pays des noix, je les confectionne moi-même. » Il avait en effet relié deux noix entre elles avec un fil de nylon.
« Les sex-shops vendent des lubrifiants pour les petites chattes comme les tiennes. Ou les culs bien serrés. Pour ma part, voici ce que j'utilise. »
Il posa devant moi une bouteille pleine d'huile de noix qu'il fabriquait lui-même. Il ôta alors les vêtements qui couvraient encore mon buste, ouvrit la bouteille et fit couleur le liquide sur ses mains. Une odeur forte s'en dégageait. Debout derrière moi, il m'enserra, plaçant ses mains haut sur mes seins qu'il massa. Il ajoutait fréquemment un peu d'huile sur ses paumes et continuait son massage. Je gémissais. Il couvrit ensuite mon ventre, s'attarda sur le creux de mon nombril, poursuivit sur le haut de mes cuisses. Il se tenait si contre moi que je sentais son sexe bandé. Je commençai à perdre la tête. Il tira alors sur la ficelle, l'agita et tous sens. Les noix s'entrechoquaient et je mouillais abondamment. Huile sur ses doigts, il entreprit de travailler mes petites lèvres, de les badigeonner jusqu'à atteindre les parois internes de mon sexe. Il versa à nouveau de l'huile et remonta derrière. Je devinai ce qu'il cherchait. Ce ne pouvait être que cela. Je me crispai lorsque je sentis ses doigts approcher de mon anus. Une claque retentit, et ce ne fut pas une gentille claque de contentement. Il grogna « laisse-toi faire ». Je me détendis. Je savais que ce moment arriverait. Je l'avais appelé de mes vœux sans jamais le lui dire. Il joua avec la porte entrouverte de mon cul. Je laissais suffisamment de place pour qu'il enfonçât un doigt. Il l'immobilisa, je m'habituai à la sensation, il l'enfonça encore, s'arrêta. Comme un jeu d'un-deux-trois soleil. Un-deux-trois il avance. Soleil ! Il s'immobilisait. Et un autre joueur le rejoignit. Deux doigts progressaient. Stop ! Ils reculèrent. De l'huile encore. Mes narines ne sentaient plus qu'elle. L'odeur prégnante de la noix. L'huile qui coulait dans mon cul alors que deux doigts s'étaient aventurés suffisamment loin, tournaient à présent, sens des aiguilles d'une montre, sens inverse. Je m'étais largement penchée en avant, m'appuyant sur la pierre de l'évier. J'étais guidée par ces sensations dans mon cul, en attente de son sexe après la venue de ses doigts. Qu'il s'enfonçât, qu'il m'enculât, et ce verbe que je répétais dans ma tête m'excitait plus que tout. J'eus envie de le prononcer. De lui crier : « encule-moi, je veux sentir ta bite raide dans mon cul, je veux que ta pommade enduise mes intestins, rentre, prends-moi le cul. » C'est ce que je voulais dire et je ne me rendis pas compte que les mots s'étaient échappés de ma bouche, que j'avais perdu le contrôle, qu'ils s'étaient imposés et que j'étais en train de réclamer sur l'évier qu'il me sodomisât. J'avais commencé à parler malgré moi ; je continuai car l'excitation en était décuplée. « Vas-y, baise-moi le cul, ramone-moi. » Il pencha la bouteille et laissa l'huile s'écouler directement sur son sexe, en couvrit toute sa longueur, s'en barbouilla. Il ne fit ni une ni deux, il s'enfonça et me laboura sans ménagement. Dans mon con en sourdine j'entendis les noix se cogner. Ce fut ma première sodomie.

D'autres suivirent. Jean-Yves aimait particulièrement me prendre par-derrière. Plus que toute autre pratique, il vénérait la sodomie et rendait hommage à mon cul aussi souvent que possible. Pour ma part, je découvris à quel point pouvait être jouissif le contrôle de la pénétration lorsque, au lieu de venir derrière moi, mon enculeur s'assit, dos à la table, coudes appuyés en arrière et me demanda de m'embrocher moi-même sur son pieu. Je m'accroupis sur le banc et descendis doucement, remontai non moins doucement. La sensation m'électrisa. J'accélérai légèrement. Je sentis la rafale progresser d'intensité. Elle montait, je retenais ma respiration, car je savais proche le moment elle me dominerait, je perdrais la raison. Je jouis pour la première fois d'une pénétration anale.
Je connus d'autres semblables orgasmes les jours suivants.
À ce rythme effréné des parties de sexe en cuisine, je ne vis pas le temps passer. Or, la première semaine d'octobre était écoulée. Ma vie allait reprendre son cours normal. Fin du sexe à satiété. Jean-Yves et moi le savions : notre relation, uniquement sexuelle, cesserait quand je partirais.

Jeudi. Mon départ pour le lendemain, après le déjeuner. Jean-Yves me demanda de lui faire confiance, qu'il me réservait une surprise que je n'étais pas prête d'oublier. Comment ne pas faire confiance à cet homme avec lequel je baisais quotidiennement depuis quelques semaines ?
Jean-Yves me fit alors venir dans la grange. Une odeur encore, celle de l'herbe coupée. Il me dit de me déshabiller, de me placer à quatre pattes, sur un tas de foin. L'herbe piquait ma peau. À croire que son huile de noix ne le quittait pas, il en enduisit tout mon corps. Puis appela Colonel. C'était son lévrier, une belle bête. Jean-Yves me répéta de lui faire confiance, qu'il savait ce qu'il faisait, que je ne devais pas avoir peur. Il fit signe à son chien et celui-ci s'approcha, me flaira et commença à me lécher.
« Mon chien adore l'huile de noix. Pas étonnant, vu que j'en mélange à sa nourriture, depuis qu'il est tout jeune chiot. » La langue râpeuse du chien lapait l'huile dont j'étais couverte. Il bavait sur moi en longs filets. C'était écoeurant et si déroutant. J'étais partagée par le dégoût et le plaisir qui à ma grande honte me gagnait prgressivement. La bête produisait un curieux effet sur mes nerfs. Jean-Yves oignit alors ma rondelle et introduisit de l'huile dans mon petit trou. Le chien, gourmand, avait léché tout ce que mon corps pouvait encore recéler et se précipita vers mon cul. Il y inséra une langue fine. C'était bon ! Je ne tergiversais plus, j'en râlais tellement j'aimais ça, je détendais mes sphincters pour accueillir davantage cette longue langue.
Tout s'emballa ensuite et jamais je ne pensai que l'action avait été préméditée, que le chien n'avait pas cédé à l'instinct, tout simplement, en ayant devant lui une femelle à quatre pattes, cul ouvert pour sa petite pine rouge. Colonel se dressa et fit entrer son dard. Il me secoua frénétiquement de ses mouvements rageurs. Jean-Yves intervint rapidement et chassa son chien à grands coups de pied dans les flancs. Il m'aida à me relever et me demanda si cela allait. Confus, il n'osait pas me regarder.
Curieusement, oui, je me sentais très bien. Et je regrettais presque de ne pas avoir poursuivi plus avant cette expérience imprévue. Je tus cette opinion. Le lendemain, je partis.

L'huile de noix avait le pouvoir de provoquer en moi ces souvenirs d'une liberté sexuelle jamais égalée par la suite. Devant la flammekueche et la salade verte, je me demandai soudain si je n'allais pas faire l'acquisition d'un petit chien pour me tenir compagnie, à présent que j'étais une dame seule dans son veuvage. Un chiot tout juste sevré auquel j'apprendrais à apprécier le goût de l'huile de noix...